Qu’est-ce que la taxe carbone aux frontières ?
- Comprendre la taxe carbone aux frontières : origine et cadre réglementaire
- Les produits concernés par la taxe carbone aux frontières
- Pourquoi mettre en place la taxe carbone aux frontières ?
- Fonctionnement de ce mécanisme
- Les dates à retenir de la Taxe Carbone aux Frontières
- Phase transitoire : 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025
- 2. Dès le 1er janvier 2025 : ouverture des demandes de statut "Déclarant MACF autorisé"
- 3. Entrée en vigueur complète : 1er janvier 2026
- 4. Finalisation du dispositif : horizon 2034
- Les pays les plus touchés par cette taxe
Depuis le 1er octobre 2023, l’Union européenne a enclenché la première phase du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, plus connu sous le nom de taxe carbone aux frontières. Ce dispositif inédit vise à rééquilibrer les efforts climatiques entre les industriels européens et leurs concurrents étrangers en imposant aux importations les mêmes exigences en matière d’émissions de CO₂.
Qu’est-ce que cette taxe carbone aux frontières ? Quels sont les secteurs et produits concernés ? Quels sont les enjeux ? Réponses avec Fiscalead.
Comprendre la taxe carbone aux frontières : origine et cadre réglementaire
Depuis 2005, l’Union européenne a instauré le plus vaste système d’échange de quotas d’émission (SEQE), un marché carbone destiné à limiter les rejets de gaz à effet de serre. Chaque année, un plafond global d’émissions est fixé et progressivement réduit, et environ 11 000 sites industriels dans 31 pays membres sont soumis à ce dispositif. Ces entreprises reçoivent des quotas de CO₂, soit gratuitement, soit via des enchères. Les acteurs les plus performants en matière d’émissions peuvent revendre leurs quotas excédentaires, tandis que ceux dépassant leurs limites doivent acheter des certificats supplémentaires. Ce système vise ainsi à encourager la réduction des émissions tout en intégrant un mécanisme économique incitatif.
Face aux risques de délocalisation des productions vers des pays aux normes environnementales moins strictes, l’UE a conçu un nouvel outil complémentaire : le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), souvent désigné sous le terme de taxe carbone aux frontières. Ce mécanisme a été officialisé par un accord du Conseil européen en mars 2022, puis renforcé en décembre 2022 avec notamment l’élargissement des secteurs concernés et une accélération de son déploiement.
Les produits concernés par la taxe carbone aux frontières
Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) cible principalement des produits industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre, identifiés dans l’annexe I du règlement européen 2023/956. Les marchandises concernées appartiennent à des secteurs clés, dont les nomenclatures douanières précises permettent un suivi rigoureux :
- Acier (hors certains ferro-alliages)
- Aluminium
- Engrais azotés
- Ciment
- Hydrogène
- Électricité
La mise en œuvre du MACF s’effectue de manière progressive, tant sur les secteurs concernés que sur les types d’émissions prises en compte (scopes 1, 2, et 3). À ce stade, seules les émissions directes liées à la fabrication des produits (scope 1) sont intégrées au dispositif. Ces secteurs représentent parmi les plus exposés au risque de délocalisation des émissions de carbone.
À terme, la Commission européenne prévoit d’étendre ce champ à d’autres industries et produits semi-transformés afin d’éviter les risques de contournement par l’importation en aval, assurant ainsi une meilleure cohérence et efficacité dans la lutte contre la fuite de carbone.
Pourquoi mettre en place la taxe carbone aux frontières ?
Dans le cadre de son ambition écologique portée par le Pacte vert pour l’Europe, l’Union européenne souhaite devenir un leader mondial de la transition énergétique. Ce pacte vert européen lancé sous la présidence d’Ursula von der Leyen a un objectif clair : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Cette volonté forte s’accompagne d’un renforcement des réglementations environnementales, qui peuvent parfois apparaître contraignantes pour les entreprises implantées sur le territoire européen.
L’un des principaux défis auxquels l’UE fait face est la dissymétrie des normes carbone entre son marché intérieur et le reste du monde, zones hors UE, Espace Économique Européen ou Suisse inclus. Cette disparité crée un risque important : la délocalisation des activités industrielles les plus polluantes vers des pays où les exigences environnementales sont moins strictes. Ce phénomène, appelé « fuite de carbone », menace non seulement la compétitivité des entreprises européennes, mais aussi l’efficacité des efforts de réduction des émissions au niveau global.
La taxe carbone aux frontières vise précisément à empêcher ce transfert des émissions de gaz à effet de serre hors des frontières de l’Union. En imposant un ajustement tarifaire proportionnel aux émissions associées aux produits importés, le mécanisme garantit que les biens introduits sur le marché européen respectent des standards carbone comparables à ceux des producteurs locaux. Cela évite que des produits moins verts ne remplacent ceux fabriqués dans l’UE, sous peine de fragiliser la lutte climatique.
Au-delà de cette protection, le MACF constitue un levier pour encourager les pays partenaires à adopter des politiques environnementales ambitieuses, des technologies plus propres, alignées sur celles de l’Union. L’objectif est de créer une dynamique globale de décarbonation, indispensable dans un contexte d’économie mondialisée.
Fonctionnement de ce mécanisme
Ce mécanisme repose sur un principe simple : faire payer un coût carbone équivalent à celui supporté par les producteurs européens aux entreprises qui importent des marchandises depuis des pays tiers.
Concrètement, les importateurs de produits soumis à la taxe carbone aux frontières devront acheter des certificats MACF, équivalents à des quotas d’émission de CO₂. Ces certificats seront calculés en fonction des émissions générées par la production du bien importé, à un prix indexé sur celui du marché européen du carbone (SEQE ou ETS). Ce prix évolue chaque semaine en fonction de l’offre et de la demande.
Pour être en conformité, chaque importateur devra transmettre, avant le 31 mai de chaque année, une déclaration détaillée des marchandises introduites dans l’Union au cours des 12 derniers mois. Il devra notamment préciser les volumes importés, les émissions de gaz à effet de serre associées et fournir la preuve de l’acquisition des certificats correspondants.
Le nombre de certificats à acquérir dépendra des émissions que le même produit aurait générées s’il avait été fabriqué dans l’Union. Le système repose ainsi sur une logique de rééquilibrage : les importateurs vertueux pourront bénéficier de déductions si le producteur étranger a déjà payé un prix carbone équivalent, tandis que les importateurs de produits plus polluants devront compenser la différence.
Dans un souci de transparence, les données sur les émissions devront être transmises par les exportateurs non-européens. À défaut, des valeurs par défaut, calculées par produit et par secteur, seront appliquées pour éviter les contournements.
Les dates à retenir de la Taxe Carbone aux Frontières
Le déploiement de la taxe carbone aux frontières (ou MACF pour Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières) se fait en plusieurs étapes.
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Phase transitoire : 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025
Depuis le 1er octobre 2023, les importateurs de produits à forte intensité carbone sont tenus de déclarer trimestriellement :
- la quantité importée de chaque type de marchandise concernée,
- les émissions directes générées lors de leur production,
- les émissions indirectes, notamment liées à la consommation électrique,
- le prix du carbone déjà payé dans le pays d’origine, le cas échéant.
Par ailleurs, les opérateurs doivent s’inscrire sur la plateforme MACF pour déclarer leurs données. Ce rapportage concerne uniquement les importateurs de marchandises listées à l’annexe I du règlement (UE) 2023/956 : acier, aluminium, engrais, ciment, électricité, hydrogène, etc.
2. Dès le 1er janvier 2025 : ouverture des demandes de statut « Déclarant MACF autorisé »
À partir de cette date, les entreprises souhaitant continuer à importer des marchandises couvertes par le MACF devront obligatoirement déposer une demande d’autorisation afin d’obtenir le statut de « déclarant MACF autorisé ». Ce statut deviendra une condition préalable à toute importation dès 2026.
3. Entrée en vigueur complète : 1er janvier 2026
Le 1er janvier 2026 marque le début du fonctionnement effectif du MACF. Les entreprises devront :
- être autorisées en tant que déclarants MACF,
- acheter des certificats MACF correspondant aux émissions de CO₂ des produits importés,
- détenir un stock minimum de certificats à la fin de chaque trimestre,
- transmettre chaque année avant le 31 mai une déclaration récapitulative des émissions liées à leurs importations de l’année précédente.
C’est également à cette date que la réduction progressive des quotas gratuits accordés aux entreprises européennes via le SEQE commencera, pour laisser place au MACF comme système principal de tarification carbone.
4. Finalisation du dispositif : horizon 2034
En 2034, le mécanisme sera pleinement opérationnel, avec :
- la fin des allocations gratuites de quotas carbone dans le cadre du SEQE,
- une application complète du MACF à tous les produits et secteurs concernés.
Cette échéance marque la fin de la coexistence entre les deux systèmes, pour une transition intégrale vers une tarification carbone alignée sur les objectifs climatiques européens.
Les pays les plus touchés par cette taxe
Ces impacts varient selon les produits exportés. En effet, les grands exportateurs de matières premières industrielles sont les plus touchés. Parmi eux, on retrouve en première ligne :
- la Chine, principal fournisseur mondial de nombreux matériaux industriels,
- la Russie, fortement exportatrice d’aluminium et d’engrais vers l’UE,
- l’Ukraine, acteur majeur sur les segments acier et engrais.
Au contraire, d’autres pays, plus petits, dépendants de ses exportations vers l’UE, pourraient subir des conséquences économiques lourdes, parmi eux :
- le Mozambique, dont près de 20 % des exportations totales vers l’UE concernent l’aluminium,
- le Zimbabwe, également exposé via ses exportations industrielles,
- la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, deux pays d’Europe de l’Est qui exportent de grandes quantités de fer, d’acier et de ciment vers l’Union européenne.